L’enseigne Nestlé, dont le siège se trouve à Vevey, a été au cœur de plusieurs scandales socio-sanitaires majeurs, mettant en lumière des pratiques controversées dans ses méthodes de production, de commercialisation et de gestion des ressources naturelles. Ces affaires ont non seulement terni l’image du géant suisse de l’agroalimentaire, mais ont également soulevé des questions éthiques profondes concernant la santé publique, la sécurité alimentaire et la responsabilité des multinationales. La parution en mars 2025 du livre Ce que l’empire Nestlé vous cache, écrit par Yasmine Motarjemi, une ex-employée du groupe, revient sur les plus gros mensonges du groupe suisse. Nous vous proposons de nous pencher sur certaines des plus grosses affaires ayant ébranlé les consommateur·rice·s des produits Nestlé ces dernières années.
Bœuf... ou cheval ? Une confusion saignante
Qui n’a jamais acheté, par plaisir gustatif ou manque de temps, des plats préparés ou surgelés ? Pour de nombreux·ses consommateur·ice·s, ces produits constituent un moyen de manger un repas chaud avec un minimum de temps et d’effort. Bien souvent, ces produits contiennent de la viande, indiquée sur l’emballage : du poulet ou du bœuf pour la plupart. Loi oblige, les consommateur·ice·s se fient à ce qui est indiqué sur l’étiquette. Pourtant, il semblerait que Nestlé se croit au-dessus des lois, sans cesse abrité par sa malhonnêteté.
C’est en 2013 que l’affaire éclate. Des tests sont effectués sur plusieurs aliments transformés, produits par des entreprises du groupe Nestlé. La présence de viande de cheval est détectée dans de très nombreux produits, dont l’étiquette ne mentionne que la présence de viande bovine. Des produits tels que des lasagnes, tortellini ou encore raviolis commercialisés en France, Italie, Espagne et Portugal sont mis en cause. Nestlé, mis face aux preuves laboratoires, se voit contraint de retirer du marché un nombre très important de produits qui ont ensuite été détruits. Accablé par la critique, Nestlé a bien dû admettre une défaillance grave dans la chaîne d’approvisionnement et dans le marché de la viande, et a présenté des excuses publiques.
Bien que ce scandale aurait eu la capacité d’enrayer la machine que représente le groupe suisse, les produits commercialisés par les marques détenues par Nestlé continuent de se vendre comme des petits pains. Mais depuis, d’autres affaires sont remontées aux oreilles des consommateur·ice·s…
Des bébés empoisonnés...au sucre !
Un autre scandale fut mis en lumière plus récemment en 2025 par l’ONG suisse Public Eye. Leur enquête, menée en collaboration avec le Réseau international d’action pour l’alimentation infantile (IBFAN), démontre un fait surprenant. Les journalistes révèlent que du sucre a été ajouté aux ingrédients dans certains produits pour bébés – des laits en poudre ou des produits céréaliers tels que Cerelac – vendus en Afrique et en Asie. Alors qu’il est étrange d’ajouter du sucre dans un aliment pour nouveau-nés, il l’est encore plus que la proportion de sucre ne soit pas la même sur les marchés européens et africains ou asiatiques. Public Eye et la IBFAN dénonce une volonté claire de rendre les enfants addicts au sucre dès leur plus jeune âge. Le but ? Les fidéliser en leur faisant aimer et en leur donnant envie d’acheter le plus fréquemment possible des produits contenant des sucres raffinés, commercialisés par… Nestlé (Gaberell, Abebe & Rundall, 2024).
Le groupe mène une stratégie claire visant à augmenter leurs bénéfices, au détriment de la santé des enfants. En effet, le sucre étant déjà source de nombreux problèmes chez l’adulte, il est d’autant plus à même de causer des dégâts chez l’enfant. Selon, l’OMS, les premières années sont cruciales pour le développement de l’enfant et sa qualité de vie future. L’ajout de sucre raffiné dans les produits infantiles destinés aux plus démuni·e·s augmentent les risques de maladies liées à l’alimentation, telles que le diabète ou l’obésité. Ce plan d’action vise sciemment les pays à revenu plus faible, tels que l’Éthiopie ou la Thaïlande, tandis que ces mêmes produits pour bébés sont vendus avec beaucoup moins de sucre en Europe. Il est difficile de ne pas crier au complot lorsqu’on témoigne de la politique inégale de Nestlé : le même produit est composé différemment selon les régions, sans que cela ne soit clairement justifié, ni même justifiable. Nestlé a été vivement critiqué par les organismes œuvrant en faveur de la santé pour sa politique de double standard concernant le rajout de glucose dans ses produits pour enfants. L’entreprise doit désormais faire face à l’opinion publique en prenant des mesures concrètes, à savoir supprimer le sucre dans la composition de leurs produits ( Gaberell, Abebe & Rundall, 2024.).
Les eaux minérales Nestlé à l’image de leur producteur : contaminées
Henniez, San Pellegrino, Perrier, Contrex ou encore Vittel, pour ne citer que celles commercialisées en Suisse. Toutes ces marques appartiennent au groupe Nestlé qui les produit et les distribue sous le label d’“eau minérale naturelle”. Cette désignation permet de distinguer ces eaux par leur pureté à la source, c’est-à-dire sans traitements purificateurs. En achetant une “eau minérale naturelle”, les consommateur·ice·s pensent acheter une eau qui n’a jamais été polluée par l’humanité. Mais à la stupeur des consommateur·ice·s, cette appellation est loin de refléter la réalité. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) en France, a révélé en 2024, que l’entreprise avait eu recours à des traitements de filtration et de purification interdits sous la labellisation utilisée par Nestlé. L’usage de filtres à charbon et de lumières ultra-violettes visant à désinfecter l’eau a été mise en évidence par plusieurs acteurs (Foucart, 2024b).
Mais alors pourquoi un tel traitement des eaux ? Faut-il s’inquiéter d’une potentielle contamination des eaux commercialisées par Nestlé ? C’est bien ce qu’il semblerait puisqu’en 2024, deux millions de bouteilles de la marque Perrier ont été détruites suite à la contamination de l’eau par des bactéries fécales ainsi que des pesticides (Le Monde, 2024).
Une juridiction saine voudrait que le groupe Nestlé soit puni pour avoir sciemment enfreint la loi en faisant l’usage de traitements de filtration et de désinfection de ses eaux sans en avoir modifié l’étiquette. Or, ce n’est pas exactement ce qu’il s’est passé. Démonstration indéniable de la puissance du géant suisse, les lois concernant les eaux labellisées “de source” ou “minérales naturelles” ont été modifiées en France, permettant ainsi au groupe de continuer ses pratiques en toute impunité… (Foucart, 2024a). En Suisse, l’entreprise basée à Vevey a écopé, en juin dernier, d’une amende de 500’000 francs par le Ministère public vaudois (Dupasquier, 2025). Un premier pas vers une justice, mais une amende qui manque de sel pour impacter concrètement la multinationale aux 12 chiffres de bénéfices annuels.
Café Fairtrade : derrière le miroir, la misère
Le géant agroalimentaire fait partie des plus grands exploitants de café au monde. À la tête d’enseignes telles que Starbucks ou de marques comme Nespresso ou Nescafé, Nestlé doit produire une quantité astronomique de café chaque année pour alimenter ses différents commerces : “
Nestlé torréfie au moins un grain de café sur dix récoltés dans le monde et réalise avec ce produit, le plus important de son catalogue, un quart de son chiffre d’affaires total : soit 22,4 milliards de francs en 2021. Le groupe s’octroie ici des marges bénéficiaires supérieures à 20 %.” (Hoikes & Blumer, 2025, p.10). Au vu de son fort pouvoir d’achat, Nestlé détient le monopole du marché dans la plupart des plantations. Cela lui permet d’imposer ses prix, très bas, aux producteur·ice·s qui peinent à rentrer dans leurs frais et vivent dans une extrême pauvreté (Hoikes & Blumer, 2025).
En 2010, le groupe lance le programme “Plan Nescafé” dans le but de redorer son image. Nestlé promet de meilleures conditions de travail aux agriculteur·rice·s : le café produit devient labellisé “Fairtrade”. Près de 15 ans plus tard, les conditions de ces travailleur·euse·s sont toujours, si ce n’est encore plus, catastrophiques. Les agissements du géant de l’agroalimentaire sont dénoncés dans une enquête publiée en 2024 par Public Eye. Leur rapport dénonce l’esclavage auquel sont soumis les employé·e·s du plan Nescafé, notamment au Brésil et au Mexique. Les exigences de la certification utilisée par Nestlé, dont les critères sont jugés très bas par les défenseur·euse·s des travailleur·euse·s, ne font en outre l’objet d’aucun contrôle sur place (Hoikes & Blumer, 2025).
Le travail est de surcroît des plus pénibles au Mexique, où la récolte se fait principalement à la main. Ces mauvaises conditions de travail ne rendent plus attrayante cette profession, ce qui peut favoriser le travail des enfants par certain·e·s exploitant·es afin de réussir à récolter en quantité suffisante. De plus, ces énormes monocultures causent également des dommages environnementaux : en ne cultivant exclusivement qu’une sorte de café pour Nestlé, la biodiversité s’affaiblit et les sols sont exploités à leur maximum, ce qui empêche par la suite de cultiver une autre espèce de plante, avant que l’équilibre naturel des minéraux se régénère (Hoikes & Blumer, 2025).
Sous le vernis de solidarité et de développement durable, se cache une vaste mascarade. Derrière les slogans lisses et les sourires imprimés sur papier glacé, les conditions de travail stagnent, les prix imposés étranglent les cultivateur·rice·s, et le profit s’empiffre pendant que les terres s’épuisent. Ce plan n’est pas un engagement vers un futur meilleur pour les agriculteur·rice·s, c’est un écran de fumée — un marketing bien torréfié pour dissimuler ce qui ne relève pas moins de l’exploitation. Contrairement aux belles promesses de Nestlé, le café Fairtrade a un goût amer.
Plusieurs livres entiers ne suffiraient pas à narrer tous les scandales sanitaires et manquements éthiques, tant au niveau humain qu’environnemental, du géant suisse. La malhonnêteté de Nestlé n’est plus à prouver. Boycotter cette entreprise est une invitation qui n’est plus seulement alléchante mais désormais nécessaire afin d’impacter considérablement l’image de l’entreprise. Ne laissons plus passer ses scandales sous le joug d’“erreurs” malencontreuses alors qu’il s’agit d’infractions à la loi et de publicité mensongère ! Arrêtons de couver les œufs de ces multinationales inhumaines. À la place, faisons notre nid sur une branche plus solide et durable, qui permettra aux générations suivantes de prendre leur envol.
Sources
Dupasquier, M. (2025, 25 juin). Nestlé Waters accepte de verser un demi-million de francs au canton de Vaud. 24 heures [En ligne]
https://www.24heures.ch/nestle-waters-condamnee-a-verser-500000-francs-d-amende-278516316953
Foucart, S. (2024, 30 janvier). Eaux en bouteille : des pratiques trompeuses à grande échelle. Le Monde [En ligne] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/30/eaux-en-bouteille-des-traitements-non-conformes-utilises-a-grande-echelle_6213815_3244.html
Foucart, S. (2024, 4 avril). La “qualité sanitaire” des eaux minérales Nestlé n’est pas garantie, selon une note confidentielle de l’Anses. Le Monde [En ligne] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/04/la-qualite-sanitaire-des-eaux-minerales-nestle-n-est-pas-garantie-selon-une-note-confidentielle-de-l-anses_6225911_3244.html?utm_source=chatgpt.com
Gaberell, L., Abebe, M. & Rundall, P. (2024). Comment Nestlé rend les enfants accros au sucre dans les pays à revenu plus faible. Public Eye [En ligne] https://stories.publiceye.ch/nestle-bebes
Hoikes, C. & Blumer, F. (2025) Le Plan Nescafé ou la fable du café durable. Lausanne : Public Eye.
https://www.publiceye.ch/fileadmin/doc/Agrarrohstoffe/Rapport_cafe/PE_Report-Kaffee_3-24_F_def.pdf
Le Monde (2024, 25 avril). Perrier : la destruction des deux millions de bouteilles a été effectuée à la demande de l’Etat. Le Monde [En ligne] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/25/perrier-la-destruction-des-deux-millions-de-bouteilles-a-ete-effectuee-a-la-demande-de-l-etat_6229889_3244.html
Motarjemi, Y. & Nicolas, B. (2025). Ce que l’empire Nestlé vous cache. Robert Laffont.